A la Poudrerie, dimanche 13 juillet, pour la Plage Mu avec Jean-Philippe Renoult (de dos), Sir Alice et Juke Joint.

La petite musique de BO

Retour son

C’était comment, ce premier week-end sous le signe de Bande Originale ? Malgré la pluie, magique. La preuve par ici, en vidéos, images et sons. Elle est pas belle la vie BO ?

Ils ont été courageux, les premiers spectateurs nomades de Bande Originale, qui ont bravé la pluie pour découvrir le parcours sonore conçu spécialement par le collectif MU dans les quartiers nord d’Aulnay. Samedi 12 juillet en tout début d’après-midi, ils étaient une poignée de candidats, venus à bord de l’une des toutes premières navettes sonores de Bande Originale, depuis Stalingrad, au point d’origine du canal de l’Ourcq.

Un audio-guide et un plan suffisent pour le parcours sonore, composé de créations d’artistes géolocalisées, dont certains se sont inspirés du lieu de diffusion.

Un audio-guide et un plan suffisent pour le parcours sonore, composé de créations d’artistes géolocalisées.

Une alchimie particulière

Est-ce parce qu’ils étaient ultramotivés ? Est-ce l’alchimie particulière de ce début d’été déprimant qui rend les propositions de BO encore plus énergiques, radicales, ébouriffantes ? Le premier week-end de la Bande Originale 2014, qui ambiance le canal de l’Ourcq en Seine-Saint-Denis, du bassin de la Villette jusqu’à Aulnay-sous-Bois, a été plutôt magique.

Atmosphère exceptionnellement bienveillante, festive et quasi familiale, entre « initiés » et « amis » de MU, bien sûr, mais on a également vu des familles d’Aulnay, de tout petits enfants, des étrangers, des touristes et des gens promenant leur chien au parc de la Poudrerie jeter une oreille au concert de l’après-midi, récupérer le programme et déjà regretter que les parcours sonores ne durent que ce premier week-end à Aulnay (oui, puisque chaque week-end, on découvrira un nouveau parcours et une nouvelle bande originale appliquée à la déambulation).

« Les jardins perdus », parcours sonore à Aulnay-sous-Bois :

 

Il y a aussi les ultra-motivés, tel ce couple parti en navette de Paris, qui a fait le parcours à Aulnay sous la pluie et s’est retrouvé le dimanche à prendre le bus affrété par le département de la Seine-Saint-Denis, pour aller écouter les gazouillis déviés de Jean-Philippe Renoult, les roucoulades électroniques de Sir Alice et les riffs pas si sauvages de Juke Joint, au parc de la Poudrerie (entre Aulnay et Sevran).

 

Il a plu, il pleut encore, dimanche après-midi au parc de la Poudrerie.

Il a plu, il pleut encore, dimanche après-midi au parc de la Poudrerie.

 

Il y a ceux aussi qui n’ont jamais trouvé et ont fait demi-tour (on en connaît…). Pour cette première étape, Isabelle Boulord, responsable des arts visuels et du cinéma pour le département de la Seine-Saint-Denis, le reconnaît,  « c’était le pari le plus difficile de toute la BO côté fréquentation », avec cette soirée sur la péniche Anako, amarrée sur le chemin de halage d’Aulnay, à plus d’un kilomètres de la gare RER, et qui n’a d’ordinaire pas pour réputation d’accueillir des concerts « pointus ».

 

WPMG en pleine « Régression », titre qu’il donne à sa performance chamanico-sonore.

WPMG en pleine « Régression », titre qu’il donne à sa performance chamanico-sonore.

 

Et si c’était la performance inaugurale de WPMG qui avait libéré les esprits de la fête ? Sous sa perruque et ses oripeaux, il approche de son « autel » musical, s’agenouille pour une cérémonie qui tourne ostensiblement le dos au public (il crache, souffle, siffle dans ses divers flûtiaux), sur un fond sonore des plus naturalistes. On se croirait chez les Indiens Yanomami ou dans quelque secte vaudou. Quand il fait face au public, visage couvert de cendres, il chante d’une voix de gorge qui évoque les bonzes tibétains et le « ohm » des yogistes. « C’est un sorcier, explique le petit Théo, 3 ans, il dort, il va se réveiller. »

De fait, yeux fermés et son vibratoire guttural venu d’ailleurs, il sort sa guimbarde et la travaille en duo avec sa voix, pour un mélange sonore qui prend littéralement aux tripes. Les sons électroniques remontent à la surface tandis que WPMG se défait de ses perruques, pull, chemise, allume un cigare, tripote sa souris, un smartphone, retrouve le réel pas si tellurique de nos environnements numériques. Ce retour à la normalité, lui l’appelle « Régression », une performance qu’il teste et améliore depuis quelques années, à des années-lumière du DJ homme-tronc. Lui incarne toute la puissance de la terre, « le retour à l’homme animal », dit-il, là où le son n’est plus un output du cerveau de musicien, mais où le corps se ferait passerelle. Un peu trop new age pour vous ? WPMG ne se prend pas pour un gourou, sa performance est aussi généreuse parce qu’elle reste intuitive et emprunte à l’humour. « C’est un travail que je développe depuis que j’ai testé ma voix dans les caves de Reims, cette voix caverneuse qui n’est ni chamanique ni yogique. Comme dans le field recording, je me laisser porter par la prise, par l’écoute, par la voix. »

WPMG, Plage Mu, 12/07/14, péniche Anako à Aulnay-sous-Bois, extrait :

 

C’est Ricky Hollywood qui enchaîne, avec un sens du contraste dont on sait gré à Eric Daviron, le programmateur des sessions musicales de Bande Originale. Un Ricky Hollywood en très grande forme, lutin aérien (il démarre debout perché sur un pied sur son tabouret de batteur) et drôlatique (ses trois musiciens et lui portent les mêmes chemises un peu délavées un peu fleuries un peu Guerrisol sur les bords, dont trois lui appartiennent).

Ricky Hollywood sur la péniche Anako, le 12/7, aime faire « grincer » sa cymbale. Et faire danser les filles, les garçons et les enfants aussi.

Ricky Hollywood aime faire « grincer » sa cymbale. Et faire danser les filles, les garçons et les enfants.

Il chante des ritournelles pas si déconnantes sur l’amour (prend à parti les spectateurs : « Qui a fait l’amour hier soir ? tu nous racontes comment c’était ? »), l’attente, la campagne… sur un fond musical pop acidulé, entre 50’s et aujourd’hui.

Ricky Hollywood, Plage Mu, 12/07/14, péniche Anako à Aulnay-sous-Bois, extrait :

 

Quand Machi entre en scène, c’est bien simple, l’audience s’électrise un peu plus pour répondre à l’énergie communicative du Chilien, exilé à Paris depuis déjà quelques années et qui balance une électro mâtinée de guitares et percus, sautillante et bondissante, psyché comme lui et sa chemise ethnique.

 

Machi enflamme le public de Bande Originale, le 12/7 sur la péniche Anako amarrée à Aulnay-sous-Bois.

Machi enflamme le public de Bande Originale, le 12/7 sur la péniche Anako amarrée à Aulnay-sous-Bois.

 

Une cinquantaine de personnes lui font la fête et réclament encore un rappel après un final hommage à la samba brésilienne, une samba passé à la moulinette électro (qui n’aura pas empêché les Brésiliens de perdre leur petite finale ce soir-là…).

Le lendemain matin, il pleut à verse. La Plage MU prévue au sein du parc de la Poudrerie, en plein air, sur une pelouse, est réorientée Pavillon Maurouard, au cœur du parc toujours, un bâtiment dans le pur style napoléonien, qui offre un refuge providentiel à l’affiche réunie par BO : Jean-Philippe Renoult avait prévu de faire réagir les oiseaux du parc à sa composition, et d’intégrer leurs sons en direct dans son live… C’est le son de la pluie qui finalement fait une parfaite couture à son intervention bucolique (et toute en vagues sonores) en bi-stéréophonie. On ne résiste pas à la tentation de citer l’artiste expliquant le concept : «La bi-stéréophonie c’est comme la bisexualité mais dans le son. »

 

Jean-Philippe Renoult, Plage Mu, 13/07/14, parc de la Poudrerie, extrait :

 

Sir Alice déchausse ses bottes de pluie et attaque son set pieds nus, mais avec tout un tas de petits gadgets sonores (métronome, boîtes à musique, synthé vintage…). Elle entame ses chansonnettes fragiles, avec un petit air de CocoRosie, version bricolo-tech, électro lo-fi DIY, fragile et expérimental. Le tout nuancé d’un côté new burlesque qui fait mouche.

 

Sir Alice susurre au micro des ritournelles aigres-douces, entourée de son petit orchestre DIY.

Sir Alice susurre au micro des ritournelles aigres-douces, entourée de son petit orchestre DIY.

Sir Alice au parc de la Poudrerie, le 13/07/14 :

 

L’après-midi se termine au son des riffs électroniques de Juke Joint, projet d’improvisation musicale conçu par Lasson, qui invitait cette fois-ci Maxime Delpierre (qui joue aussi bien avec Louis Sclavis que Rachid Taha).

Juke Joint, le projet porté par Lasson, qui invite des musiciens pour des rencontres improvisées. Pour BO, il s'agit de Maxime Delpierre.

Juke Joint (Lasson) invite des musiciens pour des rencontres improvisées, ici Maxime Delpierre.

Le principe ? Jouer à se surprendre entre musiciens contemporains pour retrouver le plaisir et ouvrir ses oreilles. On en voit alors qui s’échappent du pavillon pour danser dans l’encadrement de la porte-fenêtre.

Le soleil est (un peu) revenu. La BO est sur les rails.

Texte et prise de son Annick Rivoire, photos Jipé Corre, vidéos Benoît Méry, Sybil Montet et Clémence Reliat (son)

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Le 15 juillet 2014
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