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Rodolphe Alexis : «Un dialogue entre la banque et l’usine»

Artistes, Au programme

Artiste et designer sonore, Rodolphe Alexis s’est intéressé pour BO aux entreprises du canal, créant une correspondance entre les bureaux vides, le béton et les abeilles. Il forme également, avec Valérie Vivancos, le duo OttoannA, invité de la croisière live ce samedi.

 

Comment ton parcours a-t-il croisé celui du collectif MU ?

C’est une longue histoire, cela fait dix ans que nous collaborons ensemble. Bande Originale revêt un aspect particulier, en réactivant les souvenirs de 2008 du projet de MU European Sound Delta [entre Rhin et Danube, ndlr] pour lequel j’étais artiste résident. C’était un projet colossal et une belle expérience européenne.

Ta pièce créée pour Bande Originale s’intitule « Dataflows on Concrete Bank(s) », comment l’as-tu travaillée ?

Equipé de micros aériens, d’un capteur piézoélectrique et d’un solénoïde, je me suis attardé sur deux lieux qui se font face de part et d’autre du canal. D’un côté, un lieu patrimonial industriel, réhabilité par la section sécurité de la BNP : les Grands Moulins. De l’autre, une usine « phare » de fabrication de béton tout-automatisée avec ses allées et venues incessantes de camions : l’usine Lafarge. J’ai ensuite fait dialoguer les contraintes et les spécificités trouvées pendant l’enregistrement.

Et alors, le béton et la banque ont-ils des choses à se dire ? 

Aux Grands Moulins, j’ai été surpris par le silence relatif d’une succession de bureaux et salles de réunions même si 3.000 personnes travaillent sur le site. J’ai surtout été frappé par la puissance de l’activité électromagnétique : relais GSM, bornes de sécurité et grouillement de flux de données transitant par les salles de serveurs informatiques. Face aux « chants » des machines, j’ai enregistré en « gros plan » les drones des abeilles dans leur ruche, sur le toit de l’un des bâtiments (les employés font leur propre miel et suivent des formations internes à l’apiculture). Côté usine de béton, on est dans le cyclique et la résonance des structures, tout étant chronométré par la machinerie interne. Le lieu paraît vide et déshumanisé mais il y règne un certain calme malgré les actions bruyantes des machines.

 C’est difficile de faire valoir le travail du son sans passer par l’image ? Aujourd’hui, tout le monde prend des photos, mais quasi personne ne dégaine spontanément de micro pour enregistrer un paysage sonore. Sommes-nous vraiment habitués à « regarder le son » qui nous entoure ?

C’est bien connu, notre station debout a rendu la vue prépondérante sur l’ouïe. Pourtant, dès qu’on ferme les yeux, l’ouïe prend sa pleine dimension, nous donnant à entendre des sons qui semblaient absents les yeux ouverts. On a une dégradation de la temporalité, un rapport dionysiaque au monde et une connexion avec l’intime ; j’aime bien cette forme introspective pour la diffusion de paysage sonores et de field recording, si possible dans la pleine obscurité. L’image est alors reléguée à un aspect documentaire décorrélé de l’écoute, ce qui n’est pas le cas d’autres travaux, notamment installés ou des performances live. Les dispositifs sonores-visuels équilibrés restent à éprouver, la croisière sonore étant une piste très séduisante.

 

Rodolphe Alexis, « Dataflows on Concrete Bank(s) » (extrait) :

 

Son site : www.rodolphe-alexis.info.

Le site d’OttoannA : ottoanna.com.

—> Croisière live avec OttonannA et Les Graciés le samedi 9 août. Point d’embarcation : péniche Gavroche 6, quai de la Seine (Paris 19e). Départ à 20h. Accès : lignes 2, 5, 7 arrêts Stalingrad ou Jaurès. Tarif : 12 euros.

 

Interview : Louise Bonnard ; photo : Yoko. Fukushima

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Le 9 août 2014
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