Sir Alice. © Robin

Sir Alice : « Faire du cimetière un orchestre »

Artistes, Au programme

Musicienne et performeuse, Sir Alice a composé « Amort », une pièce sonore qui parle du cycle de la vie et convoque un orchestre… au cimetière de la Villette. Elle est revenue d’entre les morts pour nous en parler.

 

Qu’est-ce qui t’a motivée pour participer à Bande Originale ?

J’ai grandi à Aulnay-sous-Bois, et petite je me baladais souvent le long du canal de l’Ourcq. J’aime beaucoup le principe du collectif MU : offrir une autre lecture de la ville avec son méta-environnement, redessiner l’espace avec des sons. J’aime que l’interaction ne soit pas liée uniquement au fait d’appuyer sur des boutons, mais que l’on doive s’approcher pour entendre mieux. C’est hyper excitant de ne pas imposer aux gens sa présence, le public décide quoi écouter et dans quel environnement écouter. J’ai travaillé par le passé avec Sound Walk (collectif new-yorkais d’audioguides originaux qui fait beaucoup de pièces sonores urbaines, notamment à Paris) et c’est comme ça que la rencontre s’est faite avec MU.

Cette expérience t’a donné l’occasion de penser le lien entre musique et nouvelle technologie… Qu’en retires-tu ?

Quand on crée des choses, c’est à la fois génial d’avoir la possibilité de les écouter grâce à la technologie où on veut quand on veut, mais en même temps on ne maîtrise plus vraiment la diffusion. Je trouve ça bizarre d’avoir accès à tout tout le temps. J’aime l’idée que les choses puissent se perdre, je pense d’ailleurs faire retirer mon premier album de Deezer.

Comment as-tu composé la pièce pour l’application Soundways ?

C’est au départ une pièce de notre projet Le Pli Français, avec Colin Ledoux, qui se nomme « Amort ». Il s’agissait d’écrire une musique pour les morts qui ne pouvait être écoutée dans sa totalité que quelques mètres au-dessus du sol. Je me suis appropriée le concept en musique : j’ai voulu faire du cimetière un orchestre, en abandonnant les sons concrets pour d’abord des cordes, puis un peu plus loin en déambulant, des vents, et tout au bout, des percussions.

C’est une pièce minimaliste avec toujours la même mélodie que l’on retrouve à différents endroits. C’est une métaphore du corps qui devient de la poussière, avec une minidécomposition répétitive. La pièce initiale fait vingt minutes avec un sentiment d’évolution harmonique, sans qu’il y en ait réellement. Tous les éléments se décalent et créent un même accord, il y a trois actes : la rencontre, la fusion (l’amour), et la séparation avec un ralentissement (la mort). Elle est écrite pour être écoutée en boucle à l’infini.

D’où vient cette inspiration métaphysique ?

Je me suis inspirée de la culture chinoise, de l’idée que la mort et la vie sont la même chose et que l’on compose un ensemble. Dans la pièce, il y a du guhzeng, qui est un instrument céleste chinois. Il n’y a pas de folie de la tristesse face à la mort, mais l’idée de partager un grand ensemble, et c’est joyeux. Mais comme c’est une musique pour les morts, à chaque audition j’enlève toujours à un moment un bout de haut-parleur, car je me dis que si je l’écoute en entier, je risque de mourir !

 

Sir Alice, « Amort », extrait de la pièce composée pour Soundways, 2014 :

 Sir Alice, à la Plage MU au parc de la Poudrerie, dimanche 13 juillet, avec Jean-Philippe Renoult et Juke Joint, à 16h.

Son site : www.siralice.com

Interview : Adrien Pollin ; photo : Robin.

 

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Le 8 juillet 2014
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