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Parcours sonore : quand la ville sonne et résonne

Grand angle

Comment on scénarise un paysage, comment on capte l’essence sonore d’un territoire ? Les balades audio qui émaillent la programmation de Bande Originale d’Aulnay jusqu’à Paris ont été conçues en amont de l’événement. En voici les coulisses.

 

« Aulnay-sous-Bois, Aulnay-sous-Bois », répète la voix préenregistrée du RER B. Nous sommes le 1er juillet et la pluie s’écrase contre la vitre du train qui nous emmène à Aulnay. À J-15 du début des festivités, l’heure est à l’installation des divers parcours sonores de Bande Originale. Mais la météo en a découragé plus d’un. Sale temps pour jouer les oreilles baladeuses.

Effectifs réduits mais motivés, la troupe part à l’assaut de la ville d’Aulnay, côté canal bien sûr, chapeautée par Julie Crenn et Philip Griffiths (alias WPMG), du collectif MU. Une carte du périmètre en main et des casques audio sur la tête, le volume du baladeur monte : la virée commence. Mines absorbées, un peu rêveuses, les participants découvrent la ville sous un jour nouveau ; le son se fait le catalyseur d’un déploiement des sens et de l’esprit.

Le son, comme un arrêt sur image

Le son influe sur le paysage, le modèle selon l’ambiance propre à la création sonore mise en route. Le son offre une sorte d’arrêt sur image impressionnant. À moins qu’il ne l’exacerbe, tout simplement. Aulnay est dévisagée et envisagée sous une variété de paysages insoupçonnés : du cimetière fleuri à la zone industrielle tristoune en passant par les barres verticales de la cité pour ensuite déboucher sur un quartier pavillonnaire des plus mignons. Une déambulation silencieuse effectuée sous l’œil curieux et amusé des habitants.

Repérage par l'équipe de MU du premier parcours sonore à Aulnay-sous-Bois, au début juillet. © Jean-Philippe Corre

Repérage par l’équipe de MU du premier parcours sonore à Aulnay-sous-Bois, début juillet. © JP Corre

Au sein du groupe, Camille Lacroix, jeune scénographe et plasticienne, est l’une de celles qui a participé à l’atelier de création sonore initié par le collectif MU en avril dernier, avec Charles-Henri Despeignes : « On a fait des prises de sons en extérieur pour composer nos pièces, qu’on a ensuite retravaillées. Moi j’ai choisi de faire parler les Parisiens sur la banlieue, de développer leur imaginaire de la banlieue pour révéler ce qu’elle leur évoque. »

 

Parcours sonore d’Aulnay-sous-Bois, « Les jardins perdus », le 12 juillet :

 

Samedi 19 juillet, à Bobigny, cette fois ça y est, Bande Originale a vraiment commencé et c’est toujours sur les berges du canal de l’Ourcq que le rendez-vous est fixé. Au programme, une promenade d’un genre nouveau à travers la ville : le parcours s’intitule « Alphaville ». Sous un soleil de plomb et une chaleur écrasante, une playlist placée sous le signe de l’angoisse, voire de la morbidité, ne réussit tout de même pas à nous rafraîchir à coups de grands frissons.

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Une signalétique discrète émaille le paysage urbain, façon jeu de piste. © JP Corre

 

La mémoire du canal

Les points d’écoute se succèdent, indiqués par une signalétique discrète, voire évanescente (« tu vois, là, le panneau a été enlevé »). Déambulation dans un autre espace-temps, souvent ralenti par l’imprégnation d’un univers en mille dimensions, déconnecté du quotidien : nous traversons un centre commercial bondé et climatisé – univers ô combien salvateur, dehors il fait 30 degrés à l’ombre – sous la résonance des champs électromagnétiques captés par Somaticae, puis écoutons la mère de Joachim Montessuis faire remonter les histoires sordides qui composent la mémoire du canal, à côté d’un scooter calciné, ou encore Julie Crenn qui recueille les rêves et témoignages des patients d’un centre de médecine, au milieu d’un parking, et la symphonie de Sir Alice au beau milieu d’une cité en travaux.

Bobigny, ses tours et ses constructions archi-futuristes forment le décor idéal de la Bande Originale en mode balade audio. © Annick Rivoire

Bobigny, ses tours et ses constructions futuristes transforment le parcours en décor de film SF. © A. Rivoire

 « Le plaisir du son c’est aussi d’anticiper, d’avoir un regard anthropologique sur les gens en essayant de savoir comment ils vont réagir, comment ils vont bouger dans l’espace quand on leur donnera ce son », explique WPMG. Et effectivement, les réactions sont tout aussi intéressantes à observer : pause, marche, détour, replay, danse, silence, écart. C’est également l’expérience de la liberté, de notre libre arbitre pour suivre (ou non) les indications laissées à notre intention par les organisateurs…

On en vient à la conclusion que c’est le territoire qui crée le son aussi, dans un système d’échange permanent qui tend à une stimulation des cinq sens, ou presque.

 

Texte : Louise Bonnard ; photos : Jipé Corre (dont photo de une) et Annick Rivoire ; vidéo : Benoît Méry, Sybil Montet et Clémence Reliat (son).

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Le 1 août 2014
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