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Gaël Segalen : «Comment entendre la danse ?»

Artistes, Au programme

Gaël Segalen, musicienne venue de la prise de son cinéma, a posé son micro au pied de danseurs au 104 à Paris, au parc de la Villette, au square Montgolfier à Pantin, et le long des berges pour une série intitulée « Symétric ». On pourra aussi retrouver Les Graciés, le duo qu’elle forme avec Eric Douglas Porter (Afrikan Sciences), sur la croisière live ce samedi 9.

 

Avec qui as-tu travaillé pour le projet « Symétric » ?

C’est un travail de recherche collaboratif en dialogue et en improvisation avec des danseurs influencés par le hip-hop et freestylers (1). Le danseur et chorégraphe Ucka Ludovic Ilolo pense que tout le monde peut être danseur. J’ai exactement la même approche en son. Quand je fais des ateliers, j’estime qu’on a tous la possibilité de s’exprimer en musique, lui pense qu’on a tous une vibration, une énergie… Les danseurs qu’il m’a proposés ont une réelle capacité à s’émanciper, chercher l’ambiance. J’ai travaillé aussi avec des étudiants d’Anacrouse une association de l’université de Saint-Denis et quelques électrons libres : une étudiante qui fait ses recherches sur la danse, une danseuse de flamenco…

Quel a été le principe créatif pour la série « Symétric » ?

Pour moi, la vraie question était : comment entendre la danse ? Les danseurs vont activer les matériaux et les constructions de la ville et voir comment ceux-ci répondent à leurs mouvements : les passerelles en métal de la Villette par exemple, le jardin des bambous… Il y a un jeu entre le style de chacun et l’enregistrement, en général très brut, qui retranscrit par exemple un solo. Une autre manière de travailler était de creuser un mouvement et de jouer sur ses variations : faire en boucle un geste simple et imaginer des variations de temporalités. C’est le même système qu’en musique. Les rencontres étaient courtes, principalement des duos, ce qui m’importe beaucoup en tant qu’artiste. Déjà avec « IhearU », mon précédent projet, j’avais observé les dialogues créés par la mise en présence de personnes. J’ai calqué ce même principe, mais en danse, pour « Symétric » : voir comment les gens interagissent en duo, même s’il y a également beaucoup de solos.

 

Gaël Segalen en enregistrement. © Collectif MU

Gaël Segalen en enregistrement. © Nathalie Savale

 

Comment as-tu capté la sonorité des mouvements ?

Le dispositif technique a lui aussi fait œuvre de recherche au fur et à mesure des rencontres. J’avais un micro sur eux, c’est-à-dire une « tête artificielle » de fabrication maison, des micros dans le sol. Lorsqu’on a fait un enregistrement au 104, je les ai tous deux placés dans le sol. Je suivais les danseurs avec un micro perche mono, classique avec un axe, pour capter de manière plus étroite. J’avais également un micro posé par terre pour enregistrer en stéréo les mouvements. En résumé : trois sources que j’ai ensuite synchronisées.

Les mouvements relevaient beaucoup du tap dance primitif [avant les claquettes, ndlr], d’une façon de jouer sur les variations du poids du corps en tapant, des slides, des frottés, beaucoup de travail de respirations et surtout de l’improvisation. Ils s’écoutaient danser dans un casque : ils généraient leur son et y répondaient dans l’instant. Il leur a fallu beaucoup de relaxation et de lâcher prise car ils n’ont pas l’habitude d’écouter le bruit de leur danse. Les danseurs ont une oreille particulière, ils inventent des rythmiques sur de la musique. Ils deviennent leur propre musicien en mode improvisation : ils ont cette capacité à se promener dans la partition, à l’intérieur des sons.

 

Gaël Segalen, « Symétric à la lune », création pour Bande Originale, 2014, extrait :

 

Qu’est-ce que le projet Les Graciés ?

On a un océan et une culture qui nous séparent avec l’Américain Eric Douglas Porter (Afrikan Sciences de son nom d’artiste) mais c’est comme un jumeau artistique. Son projet consiste à remettre un peu d’Afrique dans la technologie. Comme l’a dit Brian Eno : les ordinateurs ne sont pas assez africains. Les Graciés, que l’on a créé en 2012, proposent une esthétique de superpositions de couches sonores. Nous travaillons en réponse l’un à l’autre, en écho, en inventant nos propres rythmes. Pour le live de ce samedi 9, nous partirons des samples du projet « Symétric » réalisés pour Bande Originale.

 

Les Graciés, « Lowdoses », extrait de « ML123 » :

(1) Margot-Zoé Renault et Luce Galloro toutes deux de l’association Anacrouse de l’Université de Saint-Denis, Colline Aubry, Anna Ivacheff, Entissar Alhamdany, Safia Zimouche et Ucka Ludovic Ilolo.

 

Le site de Gaël Segalen : ihearu.org

Le Soundcloud « work in progress » du projet « Symétric » : soundcloud.com/symetric_thesoundofdance.

 

—> Croisière live le samedi 9 août avec Les Graciés et OttoannA. Point d’embarcation : péniche Gavroche, 6, quai de la Seine (Paris 19e), en face de la Maison des Canaux. Départ à 20h. Accès : lignes 2, 5, 7 arrêt Stalingrad ou Jaurès. Tarif : 12 euros.

 

Interview : Adrien Pollin ; photo :  Nathalie Savale, photo de une : Gaël Segalen.

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Le 8 août 2014
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